4 février 2019
 

Comment qualifier la relation de travail qui unit la société Uber avec ses chauffeurs ? Simples prestations commerciales réalisées par des indépendants ? Ou bien lien formel régi par un contrat de travail ?

Pour la Cour d’appel de Paris, la réponse est claire : un chauffeur est titulaire d’un contrat de travail le liant à la société UBER.

Au-delà du domaine des VTC, cette décision pourrait remettre en cause le modèle de nombreux acteurs de la livraison…

Quelle différence entre une relation commerciale et un contrat de travail ?

Pour distinguer une relation commerciale d’un contrat de travail, il faut comprendre la notion de lien de subordination.

Un lien de subordination est avéré entre deux parties lorsque l’une a le pouvoir de donner des ordres et des directives à l’autre, de contrôler son activité et, le cas échéant, de sanctionner ses manquements.

L’existence du lien du subordination est un élément essentiel du contrat de travail.

Au contraire du salarié, un travailleur indépendant possède la liberté d’organiser ses missions, de rechercher ses clients et fournisseurs, ou encore de fixer ses prix. Il ne peut pas par ailleurs pas faire l’objet d’une sanction disciplinaire.

Par conséquent, il revient au juge d’analyser les conditions d’intervention et de travail pour déterminer si un individu était ou non lié à la société utilisatrice par un contrat de travail.

Dans ce domaine, peu importe la volonté des parties. Il est en effet, impossible de soustraire un travailleur au statut de salarié si les conditions du contrat de travail sont réunies.

Un chauffeur Uber se trouve dans un lien de subordination

Dans le cas d’espèce ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour d’appel de Paris, un chauffeur Uber a saisi le Conseil des prud’hommes (CPH) après avoir vu son compte désactivé, et a demandé une requalification de sa relation avec l’entreprise en contrat de travail.

Le CPH s’est déclaré incompétent, jugeant qu’il s’agissait d’une relation commerciale relevant par conséquent de la compétence du Tribunal de commerce.

C’est dans ces conditions que la Cour d’appel de Paris a été amenée à se prononcer.

La Cour d’appel a étudié les conditions de travail du chauffeur et relevé plusieurs éléments allant à l’encontre des principes de l’entreprise individuelle indépendante.

La juridiction a notamment constaté que le prestataire n’était pas libre de trouver ses clients et que son activité était entièrement soumise à l’organisation d’Uber.

En particulier, les tarifs des courses étaient calculés par les algorithmes de la société, le chauffeur devait suivre le trajet indiqué par le GPS de l’application, il ne pouvait pas exercer son métier en dehors d’Uber et pouvait faire l’objet de sanctions de la part de l’entreprise.

Autant d’éléments constituant un « faisceau d’indices » suffisant pour retenir la qualification de contrat de travail.

L’affaire a donc été renvoyé devant le Conseil de prud’hommes afin d’être jugée au fond.

L’arrêt de la Cour d’appel de Pars s’inscrit dans la lignée de la Cour de cassation, qui par arrêt du 28 novembre 2018, a retenu l’existence d’un contrat de travail liant un coursier à vélo à la société Take Eat Easy.

Ces décisions pourraient désormais être étendues à toutes les plateformes ayant recours à des livreurs qui, sous couvert du statut d’indépendant, travaillent en réalité dans les conditions du salariat.